L’agriculture et le pastoralisme

Les bases de l’agriculture montagnarde remontent au néolithique  avec la mise en place de la première économie agro-sylvo-pastorale dont le modèle va façonner les territoires montagnards. Basé sur l’autarcie économique, ce modèle, qui a trouvé sa force dans l’isolement, va se développer et s’affirmer pendant plus de deux mille ans, jusqu’au milieu du 19ème siècle et utiliser au mieux les complémentarités des ressources.

Là encore, c’est la répartition  altitudinale qui va sous tendre les différents types d’exploitations et l’utilisation des terroirs qui se fait toujours en interdépendance.

Trois grands étages se distinguent, qui possèdent leurs propres caractéristiques physiques, foncières et végétales : Le fond de vallée, les zones intermédiaires et de parcours, les estives. D’un point de vue paysager, on retrouve cet étagement dans toutes les vallées montagnardes, chacune d’elles constituant un microcosme particulier à travers lequel s’exprime l’identité propre de la vallée.

Les fonds de vallée

Ils possèdent un caractère montagnard moins affirmé. Sans l’intervention humaine, la forêt serait plus présente, et, si la tendance actuelle est à son retour, elle a longtemps été éliminée au profit des terres cultivables et des prairies. On y trouvait les champs qui assuraient la subsistance, ils étaient enrichis de fumier pour éviter la jachère. En plus des plantes textiles  (lin et chanvre), ils produisaient orge, avoine, cultures fourragères (trèfle et luzerne), pommes de terre et céréales (sarrasin, blé, seigle et maïs). Les derniers champs de céréales disparurent de la soulane à la fin des années 1950. On y trouvait également les potagers qui n’étaient pas tous dans le village. Il y avait aussi des fruitiers qui occupaient un coin du pré (pommier, poirier, cerisier).

Les champs et prairies ainsi que les principaux sentiers étaient bordés de haies de frênes, noisetiers et aubépines régulièrement entretenues. Les sentiers montaient tout droit dans la pente pour ne pas gaspiller des terrains cultivables. On les retrouve maintenant sous forme de goulets souvent impraticables.

Les zones intermédiaires

Elles étaient autrefois utilisées en demi-saison par les troupeaux transhumants. C’est aussi là que se trouvaient les prairies de fauche. Celles pâturées avant la montée aux estives étaient fauchées plus tardivement, ailleurs le regain était possible. Très bocagères, c’est à leur niveau que l’on trouve la majorité des granges qui permettaient d’engranger le foin sur place et d’avoir un peu d’engrais. Tous les prés étaient fumés aux alentours du mois d’avril. La date de fauche (généralement début juillet) tenait compte de la moyenne de maturité entre les légumineuses et les graminées pour obtenir la valeur optimale de l’herbe. Le fauchage se faisait à la faux puis à la moto faucheuse arrivée dans les années 1960.

Dans la vallée de Bethmale la zone intermédiaire se situe entre les villages d’Ayet, de Samortein et le col de la Core  pour la commune de Bethmale, et entre les villages d’Arrien, d’Aret, de Tournac de Villargein et le col de l’Arrech pour la commune d’Arrien.

Les estives

Elles sont des territoires d’altitude dont les pelouses sont pacagées par les troupeaux durant la période estivale. La montée vers les estives se faisait le plus tôt possible pour économiser les prés de fauche, dès que la neige le permettait, en général à la fin du mois de juin. Comme chaque sou était compté, il n’était pas question de louer un berger pour garder l’ensemble des troupeaux tout l’été. Et comme la montagne était trop dangereuse pour laisser les bêtes seules, les propriétaires s’organisaient pour monter à tour de rôle remplir le rôle de berger. Il était convenu que l’on devait assurer un nombre de journées établi d’après la quantité de brebis et de vache que l’on faisait monter.

La descente était progressive comme la montée et l’on quittait l’estive lorsque l’herbe commençait à manquer et surtout à l’arrivée de la neige. Les troupeaux arrivaient dans les villages, en général, au début du mois d’octobre où se vendait une partie des bêtes.

La commune de Bethmale montait les bêtes sous le Balame, dans la vallée d’Eychelle et d’Ayes alors que la commune d’Arrien allait, elle, dans la vallée de la Lee et au-dessus de la cabane du Taus ; cela n’a d’ailleurs pas changé.

La forêt

Elle a subit de fortes transformations durant les derniers siècles.  Le bois était autrefois essentiel. Il était utilisé pour la confection d’outils, d’ustensiles culinaires, de sabots, pour les constructions, le chauffage, la cuisson, l’éclairage…L’utilisation du bois était donc très importante jusqu’à l’apparition de l’électricité (elle commença à être utilisé par la plupart qu’à partir de 1930 dans la vallée de Bethmale) et de nouveaux matériaux qui n’arriveront qu’au début du 20ème siècle.

En remontant à la domination romaine nous constatons que les forêts pyrénéennes étaient largement exploitées pour les bois de mines, les mâts des navires, le charbon de bois nécessaire aux nombreuses fonderies de la région, ainsi que pour l’utilisation de chaque foyer.

A la fin du Moyen Age, il y avait tant d’abus dans l’exploitation des forêts, que tous les gouvernements successifs s’en inquiétèrent, sans pouvoir y remédier efficacement et ce ne fut que Colbert qui, par une ordonnance de 1669, envoya des « commissaires réformateurs » pour réviser et réformer… Louis FROIDOUR, nous fait un portrait saisissant de la situation anarchique des forêts dévastées, et des montagnards défendant âprement leurs privilèges contre les rois successifs, sûrement exagéré et ne prenant en compte que les zones surexploitées faciles d’accès.

Sous le Consulat et l’Empire, l’Etat reprend les forêts aux communes et en mai 1827 l’instauration du code forestier est promulguée. Il déclenche en 1829 «  La Guerre des Demoiselles », qui démarre dans tout le Castillonnais et qui se répand rapidement dans le Couserans et jusque dans la vallée de Haute Ariège.

Le Couserans respire l’esprit de folle indépendance de ses habitants qui, jamais, n’hésitèrent à se soulever contre l’autorité quand ils flairaient une injustice. Le code forestier supprime les droits d’usages ancestraux sur la forêt, qui dans l’esprit des montagnards, équivalaient à un véritable droit de propriété. Les droits d’affouage (bois de chauffage), de marronnage (bois de construction) de pacage ou encore ceux de cueillette, de pêche et  de chasse sont supprimés. Or, dans le même temps, les maîtres de forges continuent de surexploiter les forêts, moyennant finances.

Les révoltés, masqués, portaient une chemise blanche, parfois un jupon et se donnaient des surnoms de femmes, pour ne pas être reconnus.

Il faut se souvenir qu’en 1829, l’hiver précoce avait succédé à de mauvaises récoltes. Devant ces calamités qui s’abattaient sur leurs épaules misérables, les paysans de l’Ariège se résignèrent, mais n’acceptèrent pas, qu’en plus, on leur enlève leurs droits ancestraux par une nouvelle loi.

Les Demoiselles s’organisent très vite et bastonnent les gardes forestiers, brûlant leurs biens, mais sauvant toujours leur bétail. En huit mois de lutte, il n’y aura aucune victime, aucun cadavre.

La Guerre des Demoiselles ressurgira à chaque intervention de l’état contraire aux idées des montagnards, en 1848 et 1870, mais de manière atténuée.

Peu à peu, la population diminue, les forges se voient supplantées par les hauts fourneaux et la demande en bois s’amoindrit. En 1870, le code forestier peut enfin être appliqué, et le reboisement intervient. La guerre des demoiselles prend fin elle aussi.

Actuellement la forêt est gérée par l’O.N.F. sur une grande partie de la commune. Il existe encore quelques conflits sur des droits d’usage, et certaines personnes aiment rappeler aux gardes cette période.